Expérimenter pour apprendre : l' exploitation de modèles réduits.


    "A l'école, on doit expérimenter le plus possible et le plus souvent possible, s'entraîner à modifier ce que l'on fait ou ce que l'on dit en fonction des effets que l'on produit parce que, hors de l'école, il vaut mieux agir "à coup sûr". Ph. Meirieu
(1) 

< p class="MsoNormal" style="text-align: justify; margin-left: 230; margin-top: 100; margin-bottom: 0 ; margin-right:500">     Pour répondre à cet impératif de l'expérimentation , nous proposons une méthode active (2) et interdisciplinaire, sous forme de modules nécessitant six à dix heures de cours. Ces modules peuvent intéresser les cours d'éducation par la technologie, d'étude du milieu ou d'activités complémentaires scientifiques, technologiques ou informatiques.  

    Le principe de cette méthode est simple et n'exige aucun pré-requis disciplinaire : il s'agit de demander aux élèves de transformer un modèle réduit, préalablement construit dans un matériau facilement modifiable. Les modèles proposés sont des systèmes à plusieurs variables et représentent quelques grandes étapes du progrès technique. 

 

 

    Une démarche en six étapes 

 

Voyons plutôt l'exploitation d'un cas concret. La première machine type que nous proposons, est appelée classiquement le théâtre roulant d'Alexandrie (150 ans avant J.C.) : c'est en fait une automobile actionnée par la chute d'un poids comme le montre la gravure ci dessous (3)



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Dans une première étape, les modèles sont construits par l'enseignant ou par un groupe de sous-traitance, par exemple, un club parascolaire ou une classe de l'école primaire pour lequel la démarche consiste à suivre un plan bien établi et présente un renforcement de l'aptitude à la lecture. 

La démarche préconisée commence véritablement dans la deuxième étape qui est une mise en situation-problème ou en énigme, comme dit Meirieu (4)



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Celle-ci peut se faire à trois niveaux, tout d'abord par une réflexion personnelle, puis commune sur les définitions de ce qu'est une automobile. Dans ce travail sur les représentations, l'expérience montre combien les avis peuvent diverger. 

Ensuite, on peut présenter le modèle réduit (cf. photo ci -jointe ou vidéo in rubrique 3) en mouvement, caché par une enveloppe de papier, comme une boîte noire : nouvelle occasion pour les élèves de faire des hypothèses sur le mécanisme-moteur. Enfin, on évoque l'histoire de cette machine à partir d'une reproduction ancienne (à critiquer dans un test d'évaluation finale ?) et une parenthèse historique (par exemple, Héron d'Alexandrie est aussi l'inventeur de l'éolipile, etc.), tout en mettant en évidence combien dans l'état actuel de la technique, un litre d'essence peut valoir x fois la chute d'une masse de 1 kg d'une hauteur d'1 m. Stimulant contraste ! 


Dans la troisième étape,
les élèves prennent possession par petits groupes d'un modèle réduit identique (ou différent) pour tenter d'en établir une fiche technique (S1) à partir d'opérations de démontage-remontage et d'une série de mesures les plus pertinentes possibles. Si les élèves rencontrent des difficultés, il faut prévoir quelques questions élucidantes sur les différentes variables. Certaines sont évidentes (poids, hauteur), d'autres plus "cachées" (rayon du cylindre de l'axe moteur, poulie du sommet de la potence) cf. vidéo. 


Dans l'étape suivante, la quatrième,
il est demandé aux groupes d'élèves de transformer la machine initiale afin de majorer un de ses effets, par exemple, dans le cas présent, la distance parcourue ou l'accélération, tout en gardant le même châssis et les mêmes roues. A ce niveau, on peut doucement inciter à une exploration plus méthodique (c'est l'objectif ultime) en évoquant l'idée que, toutes conditions restant égales, le doublement tour à tour des différentes variables ne produit pas un effet proportionnel. 

Les différentes variables ne sont pas dans le même rapport avec l'effet recherché. En fait, si les élèves perçoivent cette réalité, ils ont compris l'essentiel . 

La condition fondamentale est de leur laisser l'occasion et le temps de le découvrir le plus possible par eux-mêmes. Après transformation, ils produisent une nouvelle fiche technique (S2). Le rapprochement entre (S1) et (S2) peut être un élément d'auto-évaluation. Puis, les performances des machines modifiées sont publiquement comparées. Par ailleurs, les groupes d'élèves disposent d'un cahier de bord qui reste en classe après chaque cours. Ce cahier permettra d'évaluer les capacités du groupe à rendre compte dans trois registres d'expression (le graphique, le registre des mesures chiffrées, et le registre du texte écrit) des analyses et des transformations effectuées dans le registre matériel. 



On peut compléter la démarche proposée par deux autres étapes. 


Une cinquième étape
inviterait à une étude des limites du système technique proposé( par exemple, ici, le moment où toute augmentation supplémentaire de la hauteur ou du poids produit des effets destructeurs, tels que le renversement ou l'immobilisation de la machine).


La sixième étape
conduirait à l'observation de concepts physiques, comme ceux de l'inertie , de l'énergie potentielle, etc, mais ceci intéresserait davantage les élèves du 2ème degré. Ajoutons qu'aux niveaux trois et quatre en particulier, il existe la possibilité d'un double recours à l'informatique. D'une part, comme instrument de calcul, l'informatique peut intervenir dans l'élaboration de petits programmes Logo permettant et exploitant les mesures faites à partir de capteurs mécaniques et optiques existant dans le matériel Lego-dacta ou Win Lego. D'autre part, dans un rôle de commande, l'usage de l'informatique peut viser la conduite programmée de certains modèles, comme l'a organisé l'expérience robotique encadrée par la commission Education par la technologie (Fesec *) dans plusieurs écoles de Wallonie. 

 

 

    Le recours aux modèles réduits  

 

D'une manière générale, la méthode active proposée ici a recours à des modèles réduits variés et modifiables . Ils reproduisent différents mécanismes, témoins des étapes de l'évolution technique. 

Ces modèles peuvent être transformés (et parfois combinés entre eux) dans le but d'amplifier et de mesurer un effet, objet d'un défi. Ces modèles réduits (s'ils sont réalisés en Lego technique) sont des objets didactiques idéaux pour trois raisons principales. 

Premièrement, ils sont très facilement modifiables parce que ils sont réversibles (c'est-à-dire qu'ils offrent la possibilité d'un retour à la situation initiale) dans des conditions de temps réduites. Ensuite, ils forment un système ouvert car les transformations projetées par les élèves peuvent revêtir de multiples et imprévisibles orientations. 

Troisièmement, ces modèles sont interdisciplinaires. En effet, en premier lieu, ils incitent à une étude des origines socio-historiques des mécanismes reproduits, à des rapprochements avec des mécanismes actuels, mais surtout, ces modèles replacent l'activité d'apprentissage dans le cadre des aléas de l'histoire des hommes (nécessité d'un tableau chronologique élémentaire) ; en second lieu, leur analyse et leurs transformation offrent une approche de la méthode expérimentale pratiquée en sciences où les procédés techniques sont nécessaires, et en dernier lieu, ils peuvent faire l'objet d'un traitement informatique (Logo robotique) qui concourt à une rationalisation plus stricte du processus d'apprentissage. 

 

 

    Fondements pédagogiques de la démarche 

 

De nombreuses analyses plus théoriques explicitent le bien-fondé de la méthode active proposée ici,  qui se rattache au courant du constructivisme interactionniste.

  • Nos sociétés sont des environnements essentiellement techno-scientifiques. Il faut entendre par là que nos élèves et nous-mêmes sommes sans cesse en relation avec des objets techniques prêts à l'utilisation , sans qu'il soit nécessaire de les connaître, ou même d'en comprendre les principes. Par conséquent, seule une introduction à une véritable culture technique (5) nous permettra de reconquérir notre espace de vie quotidien, sinon notre environnement technique risque de plus en plus d'être vécu comme un espace étranger et menaçant. Nous retrouvons ici la préoccupation d'une alphabétisation techno-scientifique (6).

  • Loin de paraître dérisoire vis-à-vis de la complexité du réel, le recours à des modèles réduits permet une familiarisation et une intégration plus rapide des processus techniques. "A l'inverse de ce qui se passe quand nous cherchons à connaître une chose ou un être en taille réelle, dans le modèle réduit la connaissance du tout précède celle des parties...Autrement dit, la vertu intrinsèque du modèle réduit est qu'il compense la renonciation à des dimensions sensibles par l'acquisition de dimensions intelligibles". (7) 

  • Dans l'histoire même des techniques et des sciences, la construction et l'analyse de modèles réduits ont été des pratiques fréquentes et des sources d'innovation malgré ou grâce au côté ludique qui les accompagne (8). Qu'il nous suffise d'évoquer, d'une part, les théâtres de machines d'un Héron d'Alexandrie, de la Renaissance italienne, les machines de Léonard de Vinci, les célèbres automates de Vaucanson, ou encore les débuts de Watt sur un modèle réduit sans oublier, d'autre part, que l'intérêt pour la technique a nourri la jeunesse de scientifiques comme Galilée et Newton, par exemple. Mais plus près de nous, il y a jusqu'au créateur du Logo, Seymour Papert pour raconter comment les jeux d'engrenage ont éveillé ses réflexions d'enfant. (9)  

  • Pour conclure cette approche théorique, nous voudrions évoquer les recherches de Piaget. Parce que ce dernier a célébré par ses études l'importance de l'intelligence formelle, on a trop rapidement la tentation d'occulter certaines de ses conclusions. Ainsi, Piaget a pu écrire que "le principe fondamental des méthodes actives ne saurait que s'inspirer de l'histoire des sciences et peut s'exprimer sous la forme suivante : comprendre, c'est inventer, ou reconstruire par réinvention" (10). Si Piaget omet ici l'histoire des techniques, indice renouvelé de son goût pour le formel, il faut noter combien dans son ouvrage "De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent", en collaboration avec Barbel Inhelder, il étudie l'évolution de l'intelligence à partir d'une série de petites machines simples, par exemple, la balance, le pendule, etc. Il est remarquable de voir combien une analyse technique peut engager une réflexion approfondie chez l'enfant et chez l'adolescent sans pour autant exiger les pré-requis d'une discipline comme la physique. Piaget conclut d'ailleurs sa recherche en écrivant que "c'est en entreprenant une tâche effective que l'adolescent devient adulte et que de réformateur idéaliste il se transforme en réalisateur. Autrement dit, c'est le travail qui permet à la pensée menacée de formalisme de rejoindre le réel. Or l'observation montre combien cette réconciliation de la pensée et de l'expérience peut être laborieuse et lente" (11) . En guise de conclusion, nous croyons pouvoir dire que la méthode active brièvement présentée ici peut connaître des prolongements aux 2ème et 3ème degrés.


© Spee 2002

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